Combats meurtriers au Haut-Karabakh, l’Azerbaïdjan et l’Arménie au bord de la guerre, au moins 24 morts
L’Arménie et l’Azerbaïdjan étaient au bord de la guerre, dimanche 27 septembre, des combats meurtriers ayant éclaté entre les forces azerbaïdjanaises et la région séparatiste du Haut-Karabakh, soutenue par Erevan. Aucun des deux camps n’a donné d’explication détaillée pour cette flambée de violence, chacun affirmant avoir répliqué aux provocations de l’autre.
Les belligérants font état d’au moins vingt-quatre morts, dont des civils. L’Azerbaïdjan affirme avoir conquis des territoires, ce que l’Arménie a démenti, affirmant que l’armée azerbaïdjanaise avait subi des pertes, environ 200 militaires. L’Azerbaïdjan n’a, pour l’heure, pas communiqué sur ses pertes militaires.
Un conflit majeur impliquant l’Azerbaïdjan et l’Arménie pourrait entraîner l’intervention des puissances en concurrence dans la région du Caucase, la Russie et la Turquie. Le conflit autour du Haut-Karabakh, peuplé majoritairement d’Arméniens et qui a fait sécession de l’Azerbaïdjan avec le soutien arménien, nourrit les tensions régionales depuis trente ans.
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La loi martiale instaurée en Arménie et en Azerbaïdjan
Après l’annonce des premiers combats dimanche matin, le premier ministre arménien, Nikol Pachinian, a décrété « la mobilisation générale » et l’instauration de « la loi martiale », tout comme les autorités du Haut-Karabakh. « Soutenons fermement notre Etat, notre armée (…) et nous allons vaincre. Longue vie à la glorieuse armée arménienne ! », a-t-il écrit sur Facebook.
Nikol Pachinian a par la suite déclaré que l’Azerbaïdjan avait « déclaré la guerre » au peuple arménien, lors d’un discours retransmis à la télévision arménienne, estimant que Bakou et Erevan étaient au bord d’une « guerre d’envergure » qui pourrait avoir « des conséquences imprévisibles » et s’étendre au-delà du Caucase. Il a également mis en garde contre l’ingérence « agressive » de la Turquie.
Le ministère de la défense azerbaïdjanais a annoncé pour sa part avoir lancé une « contre-offensive sur toute la ligne de front » du Haut-Karabakh, afin de « mettre fin à des activités militaires des forces armées de l’Arménie ». Le président azerbaïdjanais, Ilham Aliev, a promis la victoire : « L’armée azerbaïdjanaise combat aujourd’hui sur son territoire, défend son intégrité territoriale, porte des coups dévastateurs à l’ennemi. Notre cause est juste et nous allons vaincre », a-t-il déclaré dans un discours à la télévision.
L’Azerbaïdjan a, lui aussi, déclaré dimanche en fin d’après-midi la loi martiale « à partir de minuit » dans le pays, ainsi qu’un couvre-feu à Bakou et dans plusieurs autres grandes villes et dans les zones proches de la ligne de front du Haut-Karabakh « de 21 heures à 6 heures », a déclaré à la presse le porte-parole de la présidence azerbaïdjanaise, Hikmet Hajiyev.
Il a aussi affirmé que les forces azerbaïdjanaises avaient pris au Haut-Karabakh le mont Mourovdag, un site qualifié de « stratégique » qui culmine à 3 000 mètres, car clé pour les communications terrestres entre l’Arménie et le territoire séparatiste. L’Azerbaïdjan affirme enfin avoir pris une demi-douzaine de villages à son adversaire dimanche, ce que l’Arménie a démenti. Le président de la République autoproclamée du Haut-Karabakh, Araïk Haroutiounian, a néanmoins admis que « des positions ont été perdues ».
Au moins dix-sept militaires séparatistes ont été tués, et plus d’une centaine blessés lors de ces combats, selon les autorités du Haut-Karabakh. Les belligérants, qui se rejettent la responsabilité des hostilités, ont également fait état de victimes civiles : Erevan a annoncé la mort d’une femme et d’un enfant, tandis que Bakou a annoncé celle d’une famille azerbaïdjanaise de cinq personnes. Ce bilan est le plus lourd enregistré depuis 2016.
Le ministère arménien de la défense a, de son côté, affirmé qu’« environ 200 militaires azerbaïdjanais sont morts ». Ces affirmations étaient invérifiables de source indépendante et l’Azerbaïdjan n’a pas communiqué sur ses pertes militaires.
Le président russe, Vladimir Poutine, a appelé dimanche à mettre fin aux combats. « Il est important de mettre en œuvre tous les efforts nécessaires pour éviter une escalade de la confrontation, mais l’essentiel est qu’il faut mettre fin aux hostilités », a affirmé M. Poutine, cité dans un communiqué du Kremlin, à l’issue d’un entretien téléphonique avec le premier ministre arménien, Nikol Pachinian. Le Kremlin, qui se positionne en arbitre régional, livre des armes aux deux pays.
La France, médiatrice du conflit avec la Russie et les Etats-Unis dans le cadre du Groupe de Minsk, a aussi appelé à « cesser immédiatement les hostilités ». Dans un communiqué du ministère des affaires étrangères, la France s’est dite « vivement préoccupée par les affrontements d’ampleur en cours au Haut-Karabakh », appelant les belligérants à « reprendre le dialogue ». Paris, « avec ses partenaires russe et américain, réitère son engagement en vue de parvenir à un règlement négocié et durable du conflit » dans cette région, « dans le respect du droit international ». Le président Emmanuel Macron a fait part de sa « vive préoccupation » sur la situation au Haut-Karabakh lors d’entretiens téléphoniques avec le premier ministre arménien et le président azerbaïdjanais, et appelé à l’arrêt des hostilités.
Un porte-parole du président turc, Recep Tayyip Erdogan, allié traditionnel de Bakou, a lui dénoncé sur Twitter une « attaque de l’Arménie ». Le ministre de la défense turc a affirmé dimanche qu’Ankara allait soutenir l’Azerbaïdjan « avec tous ses moyens » et appelé l’Arménie à « cesser son agression ». A la suite de cette déclaration, le premier ministre arménien a dénoncé une « ingérence » turque dans le conflit.
La diplomatie américaine a appelé les deux parties à « cesser les hostilités immédiatement, à utiliser les moyens de communication directs pour empêcher toute autre escalade et à éviter toute action ou parole inutile qui alimenterait les tensions sur le terrain ».
Le président du Conseil européen, institution représentant les Etats membres de l’Union européenne (UE), Charles Michel, a appelé à la cessation des hostilités et au « retour immédiat aux négociations ». « Les informations concernant les hostilités au Haut-Karabakh sont la source des plus graves inquiétudes », a indiqué Charles Michel sur Twitter. « L’action militaire doit cesser, de toute urgence, pour empêcher toute escalade (de la violence). Un retour immédiat aux négociations, sans conditions préalables, est la seule voie possible ».
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a exhorté l’Azerbaïdjan et les forces séparatistes du Haut-Karabakh à « cesser immédiatement les combats, engager une désescalade des tensions et revenir sans délai à des négociations significatives », selon un communiqué de son porte-parole, Stephane Dujarric.
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Pourparlers de paix dans l’impasse
La région du Haut-Karabakh a été le théâtre d’une guerre au début des années 1990 qui a fait 30 000 morts, et, depuis lors, les autorités azerbaïdjanaises veulent en reprendre le contrôle, par la force si nécessaire. Les pourparlers de paix sont dans l’impasse depuis de longues années.
Des combats opposent régulièrement séparatistes et Azerbaïdjanais, mais aussi Erevan et Bakou. En 2016, de graves heurts avaient déjà failli dégénérer en guerre au Haut-Karabakh, et des combats meurtriers ont aussi opposé en juillet 2020 Arméniens et Azerbaïdjanais à leur frontière nord.
Les deux camps ont l’habitude de se rejeter la responsabilité de ces flambées de violence. Le président Aliev avait menacé vendredi l’Arménie de représailles, en raison de son « comportement agressif », et accusé Erevan de « faire échouer à dessein les négociations » de paix sur le Haut-Karabakh. Il avait estimé que l’Arménie préparait des « dizaines de milliers d’hommes » pour attaquer l’Azerbaïdjan.
Bakou a profité de ses réserves immenses de pétrole pour dépenser sans compter en matière d’armement. L’Azerbaïdjan peut aussi compter sur le soutien du président turc, qui considère l’Arménie comme une menace pour la stabilité du Caucase.
L’Arménie, bien plus pauvre, est par contre plus proche de la Russie, qui y dispose d’une base militaire. Erevan appartient aussi à une alliance politico-militaire dirigée par Moscou, l’Organisation du traité de sécurité collective.